Les points juridiques à connaître quand on publie son roman avec Jade Desvignes, juriste pour la Ligue des Auteurs Professionnels

Titulaire d’un master 2 en droit de la propriété intellectuelle spécialisé dans les créations artistiques et esthétiques, Jane a commencé par effectuer son stage de fin d’étude auprès de la Ligue des auteurs professionnelles et ensuite être embauchée en tant que juriste en 2022. Depuis octobre, à coté de son activité de juriste à temps partiel, elle prépare un doctorat sous convention CIFRE sous la direction de Madame Anne-Emmanuelle Kahn à l’Université Lumière Lyon 2 sur le sujet du Travail de création. A coté de cela, elle contribue ponctuellement à la revue juridique Propriété intellectuelle de Dalloz Actualité.
 
Dans l’épisode du jour, elle vient nous donner ses conseils en tant que juriste pour se retrouver dans toutes les démarches administratives en tant qu’auteur : de la suppression de l’AGESSA, au paiement des impôts en passant par la retraite.
 
Quelques liens utiles :
  • https://ligue.auteurs.pro/ (site de la Ligue, notamment le guide fiscalité pour plus d’info sur la différence TS/BNC)
  • http://caap.asso.fr/ (le site du syndicat le CAAP : très bien pour toutes les questions fiscales et déclaration auprès du CFE mais peut être un peu technique)
  • https://www.la-charte.fr/ (le site de la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesses : très bien pour voir les recommandations tarifaires pour les interventions et des modèles de facture type)
  • https://le-trait.fr/ (le site Le Trait : articles très intéressants et très pratiques sur les problématiques des artistes-auteurs)
  • https://leguidedelartiste.com/ (le site Le Guide de l’artiste auteur : article très bien expliqués et notamment celui sur l’accès à pôle emploi et la Caf pour les auteurs)

Margot : Bonjour Jade.

Jade : Bonjour Margot.

Margot : Je suis contente de t’avoir avec moi aujourd’hui parce que je pense que l’épisode va être utile pour plein de personnes. Comment tu vas ? Est-ce que tout se passe bien pour toi ? On en discutait un petit peu avant mais du coup pas trop stressée ?

Jade : Un peu quand même, mais j’espère pouvoir répondre à tes questions de la façon la plus claire possible parce que c’est vrai qu’on va aborder des sujets un peu techniques. J’espère que ça se passera bien.

Margot : Je pense que ça se passera très bien. Pour la petite histoire, on a déjà eu cette conversation avec Jade au téléphone puisque j’ai fait appel à la Ligue des Auteurs Professionnels pour m’aider parce que j’avais plein de questions juridiques.

A la fin de cette conversation, j’avais pris des notes mais je me suis dit que je ne pourrais pas les retransmettre personnellement dans le podcast parce que j’aurais peur de dire des bêtises.

Or, je pense que c’est important que toutes les personnes puissent avoir ces informations à portée de main parce qu’elles sont essentielles dans la vie d’un auteur ou d’une autrice, c’est pour ça que je suis très contente que tu puisses venir Jade.

On va commencer par la question la plus difficile, celle qui pose problème à tout le monde, est-ce que tu pourrais te présenter, nous raconter ton parcours ?

Le parcours de Jade Desvignes

Jade : Moi c’est Jade Desvignes, je suis juriste et diplômée depuis un an d’un Master 2 en propriété intellectuelle spécialisé dans les créations artistiques et esthétiques.

J’avais envie de travailler dans le milieu du livre et de l’édition donc j’ai réussi à trouver un stage auprès de la Ligue des Auteurs Professionnels, un syndicat qui défend les intérêts des auteurs du livre. Comme ça s’est bien passé, je suis restée en tant que juriste à temps partiel.

A côté, je fais une thèse CIFRE, une thèse d’entreprise, en partenariat avec la Ligue et l’Université de Lyon sur le sujet du travail de création.

Qu’est-ce que la Ligue ?

Margot : Peux-tu nous présenter la Ligue pour les personnes qui ne connaîtraient absolument pas ce que c’est ? Quelles sont les missions de la Ligue, que fais-tu au travers de la ligue – à part répondre au téléphone aux auteurs en détresse ?

Jade : En vrai, c’est principalement ma mission, répondre au téléphone aux auteurs en détresse.

La Ligue, de base, c’était une association montée par des auteurs qui voulaient un endroit à eux pour travailler et faire défendre leur profession. Depuis environ un an, peut-être un petit peu plus, c’est devenu un syndicat professionnel. Le travail de la Ligue est de défendre le statut des auteurs, essayer d’améliorer leurs droits, de leur donner accès à la formation ou autre.

C’est un conseil de 14 personnes bénévoles, tous des auteurs. A côté il y a deux salariées : moi qui suis juriste et Stéphanie Le Cam qui est directrice juridique. On est quand même une toute petite équipe mais on avance plutôt bien.

Margot : J’ai déjà reçu Samantha Bailly qui a été présidente.

Jade : Oui et qui est à l’origine de la création de la Ligue.

Margot : On avait pu en discuter un peu, même si je l’ai reçue après son départ de la Ligue donc c’était pas que sur ce sujet, mais c’est vrai que c’est important. Moi la première, c’est grâce à elle que j’en ai entendu parler la première fois et ça semblait quelque chose d’essentiel d’être inscrit à la Ligue.

D’ailleurs tout le monde peut s’inscrire à la Ligue ?

Jade : Il y a quand même une condition, il faut avoir déjà été publié : un numéro ISBN est demandé à un moment, parce que c’est “réservé” aux auteurs mais on va essayer de faire en sorte que ça évolue pour pouvoir aussi inclure les jeunes auteurs qui n’ont pas encore été publiés.

Après, même si vous n’êtes pas officiellement inscrit à la Ligue, il n’y a pas de souci, vous pouvez nous contacter et on vous aidera aussi du mieux qu’on peut.

Margot : Je pense que tu as déjà aidé une de mes amies aussi qui avait des soucis avec son contrat.

Jade : C’est possible.

Margot : C’est tellement rassurant de savoir qu’on peut appeler quelqu’un, parce qu’un contrat d’édition c’est vraiment une prise de tête, c’est une catastrophe là-dessus.

On pourra certainement en parler après mais d’abord j’aimerais revenir sur un truc qui a été le combat de la Ligue pendant un petit moment : le statut des auteurs.

Le statut d’auteur et ses problématiques

J’ai cru comprendre que les auteurs n’avaient pas de réel statut. Qu’est-ce que cela implique ? Pourquoi c’est dramatique ?

Un statut peu connu

Jade : Si, les auteurs ont un statut, c’est le statut artiste-auteur. La problématique c’est qu’il est très peu connu, des auteurs eux-mêmes, mais aussi de tous les interlocuteurs que vous allez avoir, que ce soit étatique, institutionnel, auprès de l’URSSAF, des impôts, … ils ne connaissent pas vos spécificités.

Le statut existe mais il est toujours en cours de construction. Il peut toujours être amélioré, notamment tout ce qui concerne vos règles fiscales, on aimerait que ça change, il y a plein de choses qui doivent être améliorées.

Il existe, oui, mais il est à améliorer et surtout à faire connaître.

Le rapport Racine

Margot : Est-ce que tout ça découle du rapport Racine qui a été publié et qui montrait à quel point la situation des auteurs était catastrophique ?

Jade : Oui, le rapport Racine, c’est un super rapport qui met le doigt sur toutes les problématiques des auteurs mais qui malheureusement n’a pas été vraiment appliqué par le ministère. Nous, c’est ce qu’on essaye de faire petit à petit, de faire inclure toutes les recommandations du rapport Racine dans les prochains débats parlementaires ou les prochains textes de loi mais c’est pas non plus très simple.

Margot : J’ai vu qu’il y avait eu une vingtaine de propositions et qu’aujourd’hui il n’y en a qu’une ou deux qui ont été mises en place.

Jade : Oui, et encore, des fois pas dans leur intégralité. C’est un peu gratter à la surface mais ils ne sont pas allés en profondeur : là où il y avait vraiment besoin, ça a été occulté.

La Ligue, seul syndicat pour les auteurs ?

Margot : La Ligue est le seul syndicat pour les auteurs ?

Jade : Non, il y en existe d’autres, avec chacun leurs spécificités. Nous, on travaille aussi avec le CAAP qui est un syndicat pour les auteurs pluridisciplinaires, donc un peu pour tous les auteurs.

Il y a aussi la Charte des Auteurs et Illustrateurs jeunesse qui est une association et pas un syndicat. Il y a une petite différence entre association et syndicat, mais en soi on a les mêmes intérêts, on travaille dans le même sens et on fait à peu près les mêmes choses.

Pour le livre, tu vas avoir aussi tout ce qui est société des gens de lettres, regroupés au sein du CPE. Pour les traducteurs il y a l’ATLF qui est spécifique.

Il en existe d’autres, on a le même objectif final qui est de défendre les intérêts des auteurs, après c’est vrai qu’on peut avoir des divergences sur les méthodes.

C’est à chaque auteur d’aller faire un tour et de voir là où il se reconnaît le plus, ou même d’adhérer à tous, vaut mieux trop que pas assez !

Margot : C’est clair.

Le contrat d’édition : les points à vérifier

Aujourd’hui, je t’ai fait venir pour parler de plusieurs sujets et notamment de tout ce qui se passe à partir du moment où on signe un contrat.

On parle souvent du moment où on signe un contrat, mais finalement pas de tout ce qui se passe après, parce que c’est le côté administratif qui fait un peu peur à tout le monde. Sauf que vu que personne n’en parle, une fois qu’on a signé un contrat, on se retrouve comme un idiot en disant bon, du coup maintenant que ce qui se passe ? Comment on fait ?

On va commencer par la base qui est le contrat, parce que je pense qu’on ne peut pas y échapper, puis on va parler de tout ce qui se passe après qui est tellement important pour plein de raisons différentes.

Au moment de signer un contrat, à quoi doit faire attention un auteur pour être certain que tout se passe bien pour l’édition de son roman ? Est-ce qu’il y a des points qui te viennent en tête ou des conseils que tu pourrais donner pour être sûr que ça se passe bien ?

La légalité du contrat

Jade : Je dirais que la première étape va être de vérifier que le contrat est légal, surtout pour des auteurs qui se lancent.

Par exemple, tous les contrats où il faut payer des choses. Certains contrats ont des clauses d’achat de livres obligatoires ou payer des frais de correction, ce genre de choses, ça il faut faire très attention. C’est souvent des arnaques. C’est pas un contrat d’édition à compte d’éditeur comme c’est censé être.

Si à un moment donné on vous demande de payer quoi que ce soit, ce n’est pas bon signe.

Aussi, pour vérifier que votre contrat est légal, ça peut être intéressant de regarder dans le Code de la propriété intellectuelle à partir de l’article 132-1 les dispositions spécifiques au contrat d’édition et comparer avec votre contrat.

Les choses obligatoires à voir dans un contrat vont être : la durée, le prix pour lequel vous signez (votre taux de rémunération), les types d’exploitation et le territoire. Ce sont vraiment les quatre choses qui sont obligatoires.

Après, effectivement, ça dépend de chaque contrat. Le problème c’est que chaque contrat est différent parce que chaque livre est différent, chaque exploitation est censée être différente donc ça va dépendre de ce que vous attendez du contrat.

Un contrat, ça se négocie

Margot : On peut rappeler aussi au passage qu’un contrat ça se négocie.

Jade : Ah oui !

Margot : C’est pas un papier que vous devez juste lire et signer et puis c’est tout. Personnellement j’ai eu la chance là-dessus, on a d’abord négocié le contrat avant qu’ils ne l’envoient. On en a discuté par mail.

Jade : Ça c’est essentiel, vraiment. Avant de signer un contrat, la première chose c’est de le comprendre, même si c’est dur. Et si vous avez du mal, faites appel à une association ou un syndicat comme la Ligue. Moi j’ai aucun problème à prendre une heure avec un auteur, passer en revue son contrat pour bien lui expliquer. Parce que c’est vrai que ça fait un peu peur au début, ce sont des termes techniques, des fois c’est écrit en tout petit, c’est illisible, mais c’est important de bien le comprendre.

Ensuite, effectivement, tentez de négocier si vous le pouvez. Et surtout, si vous avez en face de vous des éditeurs ou éditrices qui ne sont pas du tout ouverts à la négociation, c’est pas bon signe.

C’est pas bon signe parce que vous êtes quand même censé, en tant qu’auteur, être sur un pied d’égalité avec la maison d’édition, même si vous débutez. Vous êtes un professionnel, ils le sont aussi, et vous êtes censé pouvoir négocier. Si la maison d’édition vous dit “c’est un contrat type on y touche pas et c’est tout” ça ne présage pas une relation sur laquelle on va vraiment vous entendre, vous écouter, et que vous allez vraiment participer à l’exploitation de votre livre.

Ça, c’est un premier Red Flag. Si on vous dit “non on y touche pas et un auteur ça a pas à négocier”, bah si en fait un auteur a à négocier.

Margot : Une bonne négociation, c’est une négociation où à la fin les deux parties sont mécontentes.

Jade : Oui, c’est vrai. Il faut qu’ils avancent sur des choses, que l’auteur fasse aussi des concessions, parce que bon, qu’on soit d’accord, on ne peut pas arriver avec toutes nos revendications et s’attendre à ce que tout passe, ça n’arrivera pas.

Donc oui, il y a forcément des choses sur lesquelles vous allez devoir faire des concessions mais il faut aussi que de l’autre côté la maison d’édition soit capable de revenir sur son contrat et faire des concessions de son côté.

Margot : Donc en gros il faut choisir son combat. Imaginons, vous avez une très longue durée de contrat et des pourcentages de droits d’auteur assez faible, peut-être qu’il ne faut choisir que l’un des deux sur lequel se battre par exemple.

Jade : Voilà. On ne peut pas gagner sur tous les plans. Après faut vraiment identifier qu’est-ce qui vous semble essentiel et sur lequel vous ne pouvez pas céder.

D’expérience, les auteurs, quand ils signent quelque chose et qu’ils n’en sont pas satisfaits, ça ne se passe pas souvent très bien après. On vous force à signer quelque chose qui ne vous plaît pas vraiment, et après, dans la mise en place du contrat et dans l’exécution, c’est jamais vraiment très bon signe.

La rémunération

Au niveau de la rémunération, il ne faut pas accepter non plus tout et n’importe quoi. Si vous êtes seul auteur sur le livre, un taux en dessous de 8% qui n’est pas vraiment justifié, c’est bas.

Margot : Surtout s’il n’y a pas de paliers.

Jade : Même s’il y a un palier, le premier devrait être à 8%. Nous on aimerait que ce soit 10% pour que ce soit un peu équitable, mais si c’est en dessous de 8%, c’est bas. Sauf si c’est justifié, par exemple, si le livre est très spécifique, qu’il ne va pas forcément se vendre, on le sait d’avance, ce genre de choses, ça va justifier que le taux soit plus bas au début. Généralement, il faut au moins que ce soit 8%, et c’est à peu près la norme de ce que vous allez voir dans les contrats.

Margot : Le problème, c’est que moi j’ai beaucoup de personnes qui me suivent qui font de la littérature jeunesse…

Jade : Ah oui… Là ce sont souvent des taux beaucoup plus bas, malheureusement.

Margot : Je veux dire que le moins de 8% en premier palier ça arrive souvent parce que la littérature jeunesse, c’est terrible à dire, mais on est moins bien payé.

Jade : Après si vraiment c’est pas négociable sur la rémunération et qu’on touche moins, il ne faut pas non plus se focaliser que là-dessus, parce qu’il y a plein d’autres aspects du contrat qui peuvent au final jouer carrément en votre faveur.

Si par exemple vous avez un taux à 6% mais à côté de ça vous réussissez à récupérer par exemple le format poche de votre livre ou certaines traductions ou d’autres, vous pouvez aller les exploiter ailleurs directement par vous-même sans passer par la maison d’édition et donc toucher des rémunérations supplémentaires par ce biais.

Au final, même si vous perdez un petit peu au niveau de la rémunération initiale du livre, si vous arrivez à garder d’autres exploitations ou autre chose dans le contrat, ça va pouvoir faire des rémunérations complémentaires.

Margot : Ou, si vous êtes par palier et que vous n’arrivez pas à augmenter le pourcentage vous pouvez faire en sorte de baisser les paliers.

C’est pour ça qu’avoir quelqu’un qui sait lire un contrat, au-delà de comprendre le contrat, savoir quels sont les chiffres justes. Finalement, savoir ce qu’est un droit d’auteur et savoir ce qu’est un droit d’auteur juste c’est deux choses qui sont très différentes.

J’ai fait du droit du contrat. Pour autant, quand j’ai lu le mien, j’ai découvert des termes. Je ne savais pas du tout ce que c’était et l’explication sur internet était très floue. Et au-delà de ça, faut savoir si le chiffre qu’on m’a mis à côté de l’explication est dans la norme ou pas et ça c’est compliqué.

Jade : C’est ça. Il ne faut pas hésiter non plus à poser des questions à votre éditeur ou à votre éditrice directement. Ils sont là pour ça, pour répondre à toutes les questions. Si un taux parait bas, demandez-leur pourquoi. S’ils ne sont pas capables de donner une vraie justification, c’est qu’il y a quand même une marge de négociation qui sera ouverte.

Les obligations juridiques après la signature du contrat

Margot : Maintenant, disons que vous avez signé votre contrat. Dans le meilleur des mondes ça s’est super bien passé, vous êtes super bien avec votre maison d’édition, votre roman sort dans quelques mois ou années, bref, tout va bien.

Qu’est-ce que doit faire l’auteur pour être aux normes juridiquement parlant ? On a l’impression que le contrat c’est la partie juridique la plus compliquée mais pas du tout !

Jade : C’est après oui. Le problème, c’est qu’être auteur est une profession un peu isolée. Il n’y a pas d’école pour devenir auteur donc c’est vrai que c’est un peu le flou. Par quoi commencer ?

L’Agessa

Margot : On peut commencer par parler de l‘Agessa. C’est quelque chose dont on entend facilement parler en tant qu’auteur ces dernières années. Peux-tu clarifier ce que c’est et ce qu’il en est aujourd’hui ? 

Jade : L’Agessa, au tout début, c’était une association privée qui gérait les cotisations sociales des auteurs. Elle gérait les auteurs du livre, les auteurs écrits, et il y avait le pendant pour les auteurs plus visuels avec la Maison des Artistes. C’était eux qui géraient les cotisations sociales des auteurs, c’est-à-dire tout ce qui va permettre de payer la retraite, la sécurité sociale, les indemnités journalières, les congés maladie, tout ce qui va toucher au social.

Ces cotisations sociales sont maintenant gérées par l’URSSAF directement, comme n’importe quelle autre profession, spécifiquement par l’URSSAF Limousin qui gère le statut artiste auteur.

L’Agessa et la Maison des Artistes ont fusionné pour devenir la Sécurité Sociale des Artistes Auteurs. Je ne vais pas dire que ça sert à rien parce que c’est pas le cas, mais c’est pas l’organisme qui va le plus changer la vie d’un auteur, car ils ne gèrent rien au niveau des cotisations.

Après c’est quand même intéressant quand on veut devenir auteur, ou qu’on l’est déjà et qu’on a déjà son contrat, d’aller faire un tour sur le site de la sécurité sociale des artistes auteurs et de se faire identifier.

Ça va notamment vous permettre, si à un moment vous avez besoin d’un congé maladie, maternité ou autre, d’obtenir l’attestation qui vous relie à la Sécurité Sociale des Artistes Auteurs pour pouvoir ensuite faire vos démarches.

Maintenant, ils servent juste à fournir cette attestation et peut-être à répondre à vos questions si vous voulez un interlocuteur mais pour tout ce qui est cotisations sociales, c’est l’URSSAF Limousin qui gère.

L’URSSAF Limousin

Margot : Comment ça se passe avec l’URSSAF Limousin, à quoi ça sert et que doit-on faire légalement pour être aux normes ?

Jade : La première étape, c’est d’aller sur leur site et de voir un peu comment ça se passe. Il me semble que tant qu’on a pas touché de droits d’auteur, on ne peut pas se créer d’espace personnel mais dès que vous avez vos premiers relevés de droits, votre premier versement de la maison d’édition, c’est important d’aller se créer un compte auprès de l’URSSAF Limousin, votre espace personnel artiste auteur. Ce sont eux qui vont gérer toutes vos cotisations sociales.

Ces cotisations sociales sont en deux temps.

Vous avez celles précomptées par votre éditeur : Quand vous allez toucher des droits, ils vont directement verser une petite partie à l’URSSAF Limousin. C’est ce qu’on appelle les cotisations précomptées. On pourra en reparler après mais on peut demander une dispense de précompte pour pouvoir le faire soi-même.

Ensuite, je sais plus exactement le seuil, mais à partir d’un certain chiffre atteint de droits d’auteur par an, vous avez un appel à cotisation annuel pour compléter. Si vous êtes bien identifié par l’URSSAF Limousin, vous allez recevoir cet appel à cotisation directement et pouvoir bien vérifier sur leur site et sur votre espace personnel que tout se passe bien.

Margot : Tu dis qu’on ne peut pas s’identifier tant qu’on a pas touché de droits d’auteur. Comment ça se passe pour les avaloirs qui sont des droits d’auteur d’avance ?

Jade : Normalement ça devrait être bon à ce niveau-là. En fait, dès qu’on commence à toucher des droits et que des cotisations sont prélevées sur ces droits on peut ouvrir un compte. Généralement ce n’est pas quelque chose à faire hyper en avance mais c’est quand même important une fois que vous touchez vos premiers droits de faire un tour et de vous identifier correctement pour bien suivre que tout se passe bien.

La dispense de précompte

Margot : Au niveau des précomptes, tu trouves que c’est intéressant de demander à ce que les éditeurs ne fassent pas le précompte ?

Jade : Ça va dépendre de comment vous déclarez les droits. Là on va rentrer dans le vif du sujet, la différence TS / BNC.

Le précompte c’est le système d’office, l’éditeur, ou toute personne qui vous paie, va prélever ces cotisations. Pour un éditeur, ces cotisations sont basées sur le régime TS, c’est-à-dire Traitements et Salaires. C’est avantageux si vous restez en traitements et salaires, parce que c’est fait et reversé directement. Après il faut quand même vérifier, via votre espace personnel de l’URSSAF Limousin, que les cotisations apparaissent bien et que ça a été versé, parce que, ça n’arrive pas non plus tout le temps, mais on a déjà vu le cas où des maisons d’édition ont oublié de payer ces cotisations ou qu’elles se sont perdues ou autre. Il vaut mieux vérifier.

Parcontre, ça peut être intéressant de demander cette dispense de précompte. Ça se fait auprès de l’URSSAF, il faut ensuite l’envoyer à toutes les personnes qui vont vous payer en amont qu’elles aient bien votre dispense de précompte pour ne pas le faire et que ce soit vous directement qui fassiez vos déclarations.

C’est intéressant si vous voulez avoir la main dessus, si vous voulez le faire vous-même et que ça vous intéresse beaucoup la comptabilité, vous aimez déclarer tout vous-même, ça peut être plus simple pour ne pas avoir à suivre.

Mais c’est surtout intéressant si vous déclarez tous vos revenus en BNC (bénéfices non commerciaux) parce qu’en fait, le précompte se base sur le traitement et salaire qui va enlever 10% de votre revenu pour frais professionnels, alors que le BNC c’est 34%. Donc si vous êtes précompté sur la base du TS alors que vous déclarez plus tard en BNC, vous allez surcotiser, on va trop vous prélever.

Bien évidemment ce n’est pas de l’argent perdu, mais il faudra faire la demande auprès de l’URSSAF pour être remboursé. Autant s’éviter cette étape de demande de remboursement en demandant la dispense de précompte et en payant directement ces cotisations.

Que choisir entre TS et BNC ?

Margot : D’ailleurs j’ai une question par rapport à ça. J’ai déjà la réponse parce qu’on en a déjà discuté mais je pense que ça peut être intéressant. BNC (bénéfices non commerciaux) et TS (traitements et salaires), c’est un choix à faire au moment de payer les impôts mais il y en a un qui permet de faire plus de choses que l’autre. Qu’en est-il ?

Jade : Je vais commencer par le TS vu que c’est le plus simple et qui comprend le moins d’activités.

Le traitement et salaire, c’est le système de base. Vous n’avez pas beaucoup de déclarations à faire. Il y a une retenue de 10% pour vos frais. Le traitement et salaire est possible uniquement pour vos revenus issus des EPO (Editeurs, Producteurs et Organismes de gestion collective). Dès que vous êtes payé en droits d’auteur par ces personnes-là, c’est possible de déclarer vos revenus en traitement et salaire.

Margot : Par exemple, je suis autrice, je touche des droits d’auteur et à côté de ça je fais des conférences, des ateliers d’écriture rémunérés, plein de choses qui sont autour de mon activité d’autrice, que me conseilles-tu de prendre ?

 

Jade : Ça dépend. Dans ta situation, tu écris un livre, tu es payée par ton éditeur, tu pourras le déclarer en traitement et salaire. Par contre tout ce qui ne sera pas payé directement par ton éditeur, ça ce sera obligatoirement à déclarer en BNC.

Souvent, les auteurs paniquent quand ils commencent à déclarer en BNC : l’URSSAF a tendance à envoyer un message “vous êtes en BNC maintenant”. Alors non, vous pouvez toujours avoir les deux. C’est possible de continuer de déclarer en TS vos revenus issus d’un éditeur et de déclarer tout le reste en BNC.

Après, moi je suis juriste, je n’ai pas eu à faire les formalités directement, mais des auteurs qui le font me disent souvent que c’est quand même plus simple au final de se mettre directement en BNC pour tout, parce qu’au moins ça évite de gérer deux systèmes différents et permet d’avoir une continuité des revenus.

BNC, c’est les bénéfices non commerciaux. On peut déclarer en BNC tous les revenus artistiques, que ce soit ce qui est versé directement par l’éditeur ou tout autre organisme comme des collectivités territoriales, une association, un salon si vous faites des dédicaces ou autre, ça va être payé en BNC.

Ah oui, ça il faut quand même le préciser, il y a une différence entre le BNC “normal” de déclaration contrôlée et le micro BNC qui est la déclaration simplifiée.

Si vous êtes en déclaration simplifiée, il ne va pas y avoir énormément de documents comptables à fournir, ça va être assez simple, et il y a cet abattement forfaitaire de 34% pour vos frais professionnels si vous touchez moins de 75000€ environ de droits d’auteur par an.

Si vous êtes en dessous de ce chiffre, vous pouvez bénéficier du régime simplifié appelé micro BNC. Par contre, si vous dépassez ce chiffre, vous passez en BNC normal avec la déclaration contrôlée et là ça va être un peu plus lourd au niveau de la comptabilité, il faut tenir un livre journal, ce genre de choses et fournir beaucoup plus de documents comptables. Il n’y aura plus l’abattement forfaitaire des 34% car vous passez en régime réel.

Pour certains auteurs, c’est là où fiscalement ça peut être un peu plus intéressant, une fois qu’ils ont dépassé ces 75000€ de retourner au traitement et salaire pour leurs revenus issus des éditeurs parce qu’il y a cet abattement de 10%.

Margot : Donc en fait, c’est plus facile d’être que sur l’un ou que sur l’autre, mais financièrement parlant, à partir d’un certain montant, vaut mieux être sur les deux.

Jade : C’est ça, mais généralement à partir d’un certain montant, même si on n’est pas à 75000€, c’est quand même plus simple d’avoir un comptable qui gérera ce genre de choses pour vous.

Margot : Je fais de la compta et du droit donc pour moi c’est clair, mais je pense qu’il y a plein de gens pour qui on est en train de parler chinois. Si vous avez encore des questions après l’épisode, n’hésitez pas à contacter la Ligue.

Jade : Pour les cas personnels aussi parce que là je fais un tour d’horizon général, mais au final, chaque cas est personnel.

D’ailleurs pour choisir le plus avantageux entre le TS et le BNC, au-delà du côté praticité, il existe des simulateurs dans lesquels vous pouvez mettre vos revenus soit en TS soit en BNC, calculer combien ça va vous faire d’impôts ou cotisation ou autre, et choisir en fonction.

Parce que c’est vrai que si par exemple vous avez pratiquement tout qui est issu d’un éditeur et une fois par an une intervention scolaire, peut-être que ça sera plus intéressant de garder le TS et juste BNC pour cette petite activité. Ou au contraire, si vous avez beaucoup d’activités annexes à l’édition de passer par le BNC uniquement.

Ces simulateurs, vous pouvez les retrouver en ligne. Sur le site de la ligue il y a un guide fiscalité écrit par Manu, conseiller syndical, qui s’y connaît plutôt bien dans ce régime. Au tout début du guide, il y a plein de liens vers des simulateurs pour vous aider à choisir quel régime fiscal vous correspond le plus.

Qu’est-ce que l’abattement forfaitaire ?

Margot : Par rapport à ça, peux-tu repréciser ce que signifient les 34% d’abattement des frais professionnels ?

Jade : C’est par rapport aux impôts. Pour les calculer, on part de votre chiffre d’affaires annuel issu de vos revenus et cotisations, et on enlève 34%. Vos impôts sont donc calculés sur 66% du montant total de votre chiffre d’affaires. En TS, ce sera sur 90 % de votre chiffre d’affaires puisque l’abattement est de 10%.

Ces 34% qu’on vous enlève, c’est considéré comme l’argent potentiel que vous avez dépensé pour vos frais professionnels : les transports, le matériel, ou autre.

Après, c’est un abattement qui est forfaitaire, fait à la louche. Si vous pensez que vos frais professionnels sont supérieurs à ces 34% de votre chiffre d’affaires, vous pouvez très bien basculer en frais réels.

Par exemple, ça peut être intéressant pour les auteurs qui sont artistes, peintres ou illustrateurs ou autre, qui, pour certains, le matériel peut coûter très cher.

Dans ce cas-là, ça peut être intéressant de basculer en frais réels quand vous faites votre déclaration aux impôts. Il n’y aura plus cet abattement forfaitaire de 34%, mais par contre, comptablement, ça va être un peu plus lourd parce qu’il faudra fournir les factures de tout ce que vous considérez comme frais professionnels. Cette fois on va calculer au juste prix ce que vous avez dépensé.

Après pour des auteurs de l’écrit, c’est pas forcément avantageux parce que généralement, à part un ordinateur ou peut-être des livres pour vos recherches ou de la documentation, il y a très peu de frais professionnels donc les 34% forfaitaires se justifient.

Margot : Et puis si la maison d’édition paye tout ce qui est frais de déplacement, frais d’hébergement, vaut mieux garder les 34 %.

Jade : Oui, normalement vous ne dépassez pas trop, ça va plutôt être les artistes visuels qui ont besoin d’énormément de matériel pour travailler.

Le numéro de SIRET

Margot : Ok d’accord. Je reviens un peu en arrière, par rapport à l’URSSAF, on avait rapidement parlé de créer un numéro de SIRET. Est-ce qu’on peut en parler un peu plus pour déblayer le sujet et faire une précision, parce qu’il y a des auteurs qui me suivent qui sont hybrides, donc qui sont aussi auto-édités et qui parfois sont auto-entrepreneurs et donc ont déjà un numéro de SIRET. Comment ça se passe pour ceux qui n’en ont pas ? Et que doivent faire ceux qui en ont déjà un ?

Jade :  Le numéro de SIRET, c’est le numéro qui va vous identifier en tant que professionnel et qui est nécessaire pour faire des factures. Quand vous êtes payé par la maison d’édition, généralement, vous n’avez pas besoin d’envoyer de facture mais pour tout autre activité, on va vous en demander une et donc d’avoir un numéro de SIRET.

Dans l’écosystème des auteurs, souvent, on va vous parler de notes de droits d’auteur qui sont des factures sans numéro de SIRET et ils disent que ça passe… Bof. Légalement, c’est pas terrible d’avoir une facture sans numéro de SIRET parce que ce n’est pas légal. Si vous êtes contrôlé, ça peut vous valoir une amende de 80 euros il me semble. Et surtout, le risque si vous faites une facture sans numéro de SIRET, c’est que la personne en face refuse de vous payer.

Nous, c’est un peu ce qu’on a déjà eu à la Ligue, des auteurs pour qui le comptable en face disait que la facture n’était pas valide et refusait de payer. Donc il vaut mieux avoir son numéro SIRET, c’est un numéro qui est gratuit, il n’y a pas de formalités spécifiques payantes. Il se demande auprès du CFE, Centre de Formalités des Entreprises. C’est un numéro qui est unique à un auteur et vous aurez le même quel que soit votre activité tout au long de votre vie.

Pour les auteurs qui vont avoir plusieurs activités, ce sera le même numéro de SIRET. Même si, par exemple, vous avez une activité d’artiste-auteur et à côté vous êtes maraîcher en auto-entrepreneur, ce sera quand même le même numéro de SIRET.

Margot : Je me pose une question. Si par exemple, moi, je suis auto-entrepreneur dans quelque chose qui m’intéresse beaucoup, je paye mes cotisations sociales en auto-entrepreneuriat sur tout ce que je gagne, donc techniquement, si je fais une facture avec mon numéro de SIRET, je peux quand même faire en sorte que l’argent ne soit pas compté dans mon auto-entreprise parce que c’est deux activités différentes, on est d’accord ?

Jade : Oui, parce que vous n’allez pas le déclarer au même endroit. Quand vous allez faire les déclarations, quel que soit votre activité vous aurez le même numéro de SIRET, mais si tu es payée en droits d’auteur ou en revenus artistiques, tu vas faire des déclarations sous le statut artiste-auteur auprès de l’URSSAF Limousin. Donc non, ça ne sera pas relié à l’activité autre que tu peux avoir, qui ne va d’ailleurs pas forcément avoir les mêmes taux.

Après, si la demande de numéro de SIRET a été faite bien avant pour une activité complètement différente, on ne vous donnera pas un nouveau numéro pour une autre activité, par contre, il faut bien veiller à faire rentrer l’activité d’artiste-auteur dans la définition de votre numéro de SIRET.

Souvent on donne un numéro de SIRET sur le champ d’activité que vous demandez au moment de la création. Il faudra donc aller voir soit le CFE directement soit l’organisme vers qui vous aviez fait les démarches à l’époque, pour justement changer la nature de l’activité pour laquelle vous avez déclaré votre numéro de SIRET afin d’inclure l’activité d’artiste-auteur.

Le compte bancaire dédié

Margot : D’ailleurs, par rapport à tout ça, est-ce que tu conseillerais à un auteur d’avoir un compte bancaire séparé pour recevoir les revenus, surtout quand tu es un auteur avec beaucoup d’activité en termes de salons, de conférences… Par exemple, moi en auto-entreprenariat, on me conseille d’avoir des comptes bancaires séparés.

Jade : Oui, ça peut être intéressant pour gérer son budget d’avoir un compte avec les prélèvements professionnels et un compte privé où on se retire un salaire tous les mois, pour mettre de côté et avoir vraiment quelque chose juste pour l’entreprise.

C’est possible, c’est vraiment au cas par cas, et surtout, en fonction du montant que vous touchez. Plus vous allez avoir de revenus, plus ça peut être intéressant d’avoir des comptes séparés pour les gérer et que tout ne soit pas prélevé au même endroit.

Margot : Ok. Bon ça c’était vraiment les questions fiscales, je sais que ce n’est pas agréable à écouter, mais en même temps vous en avez besoin.

Jade : Je vais même faire une précision supplémentaire pour ajouter encore une couche sur ce qui était déjà pas assez compliqué.

L’appel à cotisation prévisionnel

Quand on demande un numéro de SIRET ou qu’on passe en BNC, et ça c’est notamment pour les jeunes auteurs qui font la déclaration pour la première fois, il faut faire attention, l’URSSAF ne prévient pas, mais en gros, vos cotisations et tout ce que vous allez payer, c’est basé sur vos revenus de l’année précédente.

Par exemple en 2022, vous allez payer des cotisations qui sont basées sur vos revenus de 2021. La spécificité des auteurs c’est que chaque année vous allez toucher des montants différents, il y a pas de continuité. Vous pouvez avoir une année où vous allez toucher énormément puis une année un peu plus faible.

Le problème, c’est que l’URSSAF, quand on s’inscrit pour la première fois, fait une prévision forfaitaire sur ce que potentiellement vous allez toucher alors que vous n’avez pas encore déclaré de revenus parce qu’ils prévoient que c’est généralement ce qu’un auteur va toucher la première année.

Ils vous font un appel à cotisation que vous pensez devoir payer. Après ce n’est pas de l’argent perdu, si plus tard vous touchez moins de revenus que cet appel à cotisation prévisionnel, vous serez remboursé.

Mais si vous ne voulez pas avoir à payer directement quand vous vous inscrivez, parce que c’est souvent une somme importante et qui peut surprendre, vous pouvez faire une modulation en contactant les agents de l’URSSAF directement pour mettre votre chiffre d’affaires à zéro. Ils ne peuvent pas faire de prévision sur zéro donc vous allez pouvoir au fur et à mesure avoir vos revenus qui rentrent et à la fin de l’année vos cotisations seront calculées par rapport à ce que vous avez vraiment touché.

C’est vraiment quelque chose d’important, quand vous vous inscrivez auprès de l’URSSAF, que vous demandez un numéro de SIRET et que vous commencez à être identifié en tant qu’auteur en BNC, de bien voir ces modulations pour ne pas être surpris avec des cotisations que vous pensez ne pas devoir payer.

C’est pas de l’argent perdu, si vous n’avez pas de revenus aussi haut que la prévision, ça sera remboursé mais c’est quand même de l’argent qui sera potentiellement remboursé un an plus tard donc il faut bien faire ces modulations si vous en ressentez le besoin.

Quand se déclarer ?

Margot : D’ailleurs, peut-être que je vais parler pour d’autres personnes qui sont dans mon cas, là, par exemple on est en fin 2022. Si je me déclare maintenant, je dois payer des cotisations par rapport à mes revenus de 2021 mais techniquement mon roman ne sort qu’en 2023 donc je ne touche des droits d’auteur qu’en 2024. Est-ce qu’il faut pas mieux attendre d’être en 2023 pour faire les démarches ?

Jade : En fait, il faut au moins que ce soit concomitant à ce que votre éditeur déclare. Si eux ils ont fait les démarches pour payer vos cotisations en 2023 et que vous, vous déclarez finalement qu’en 2024, il peut y avoir un petit contretemps donc vaut mieux le faire. Après, si vous attendez un peu, effectivement pour rentrer dans la bonne année, c’est pas non plus dérangeant.

Margot : Oui, par exemple, là on est en décembre, je vais peut-être attendre janvier.

Jade : Oui, ce n’est pas très important. Après, en cas de doute, le mieux, c’est d’appeler l’URSSAF directement. Au moins, eux, ils vous donnent une réponse définitive qui va les engager et sur laquelle vous pouvez vous baser, c’est plus simple.

L’IRCEC

Margot : On va passer sur un sujet tout aussi marrant… L’IRCEC, l’organisme de retraite complémentaire des auteurs.

Jade : Vous allez avoir via l’URSSAF les cotisations que vous payez pour votre retraite de base mais il faut savoir que les auteurs sont aussi soumis à une retraite complémentaire obligatoire gérée par l’IRCEC.

Chaque année ça change un peu mais il me semble que c’est à partir de 8000 euros de droits d’auteur déclarés par an que vous allez potentiellement recevoir des appels à cotisations de l’IRCEC pour une retraite complémentaire.

Je préfère en parler tout de suite, le système de gestion de l’IRCEC n’est pas terrible et ça arrive énormément que des auteurs n’aient jamais entendu parler de l’IRCEC de leur vie, n’ont jamais fait de déclaration auprès d’eux et reçoivent des actes d’huissiers avec des majorations de retard pour des cotisations sur des années…

On rajoute encore un site à aller voir mais c’est vrai qu’il vaut mieux au tout début de sa carrière faire un tour sur le site de l’IRCEC, voir comment ça se passe, et dès que vous commencez à toucher des droits d’auteur, vous vous créez un compte sur l’IRCEC, comme ça au moins ils auront les informations justes, parce qu’ils se basent sur les informations qu’ils pensent connaître mais considèrent que c’est à l’auteur de faire les démarches pour se faire connaître. Donc s’ils ont votre mauvaise adresse, votre mauvais mail ou autre, ils vont considérer que c’est de votre faute. Donc il vaut mieux aller voir, bien s’identifier, et comme ça, quand vous allez recevoir les appels à cotisation, ce sera vraiment chez vous.

Aussi, si vous êtes dans une année où vous pensez que financièrement ça peut être un peu compliqué, c’est possible de demander à cotiser un taux inférieur qui est de 4% il me semble au lieu de 8%. La demande doit être faite avant novembre. Là, c’est un peu tard (podcast enregistré en décembre 2022), mais pour les années suivantes, vous saurez que vous pouvez demander à cotiser à taux réduit.

La SOFIA

Margot : Juste une chose, on va peut-être parler de la SOFIA. Moi c’est un truc dont je n’avais jamais entendu parler, c’est une amie autrice qui m’en a parlé la première fois en disant “inscris-toi à la SOFIA”. Qu’est-ce que c’est et en quoi ça peut être utile par rapport à tout ce qu’on a parlé précédemment ?

Jade : La SOFIA, c’est l’organisme de gestion collective du livre. C’est une société qui va centraliser des revenus que les éditeurs ne peuvent pas toucher directement.

Généralement les gens connaissent plus l’équivalent musique, la SACEM, ou alors dans l’audiovisuel, la SACD.

La SOFIA va gérer par exemple le prêt en bibliothèque. Quand votre livre est acheté par des bibliothèques publiques, c’est trop compliqué pour un éditeur de suivre le nombre de lecteurs qui vont emprunter le livre à la bibliothèque pour redonner ensuite la part juste à l’éditeur donc c’est plutôt une somme forfaitaire qui est versée pour tous les livres achetés par des bibliothèques. Cet argent est centralisé à la SOFIA puis réparti entre l’éditeur et l’auteur. Ce sont des revenus qui sont obligatoires.

C’est préférable de s’inscrire à la SOFIA parce que ça veut dire qu’ils vont vous verser directement cet argent qu’ils vous doivent. Après, il ne faut pas paniquer, si vous n’êtes pas inscrit à la SOFIA, c’est quand même de l’argent qui vous reviendra. Ce n’est pas parce que vous n’êtes pas inscrit que vous n’allez pas toucher, par contre ça va transiter par votre éditeur donc potentiellement vous allez recevoir cet argent en même temps que les redditions de compte donc beaucoup plus tard.

Vous ne passez pas à la trappe mais c’est peut-être plus simple de s’identifier directement auprès de la SOFIA. Il me semble que vous pouvez aussi toucher d’autres revenus que la SOFIA va négocier, qui ne sont pas ces revenus obligatoires prévus dans la loi.

Par exemple le prêt en bibliothèque ou tout ce qui va être copies privées, pour essayer d’atténuer les pertes que les auteurs peuvent subir si par exemple votre livre est scanné ou prêté, les imprimantes, les clés USB, tout ce qui va permettre de copier votre œuvre, il va y avoir une petite taxe sur ces objets-là qui vont ensuite être centralisés par un autre organisme, le CFC le Centre Français de la Copie privée, qui lui va gérer et reverser aux auteurs ce petit pourcentage.

Encore une fois, pas besoin de s’inscrire directement, c’est quelque chose qui vous est dû. Après c’est plus simple de s’inscrire et au moins de bénéficier d’autres choses.

La SOFIA, je sais qu’elle peut faire de l’aide à la création, elle peut faire plein de choses et notamment la SOFIA paye 50 % des cotisations de l’IRCEC : si vous êtes auteur du livre et que la moitié de vos revenus artistiques provient du livre et de l’édition d’un livre, la SOFIA prend en charge ces 50% mais encore une fois, vous n’avez pas obligatoirement à être inscrit. C’est plus simple, ils vous identifient mieux, mais même si vous n’êtes pas inscrit à la SOFIA, ils le feront.

C’est quand même plus simple d’aller voir et de s’inscrire au moins on suit directement mais il y a d’autres organismes de gestion collective, parce que pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? La SOFIA ça va être pour le livre général.

On peut avoir l’ADAGP ou la SAIF pour les auteurs visuels mais aussi la BD : si vous êtes scénariste de BD, vous avez certains revenus qui peuvent être centralisés plutôt au niveau de l’ADAGP qu’au niveau de la SOFIA.

Margot : Je pense que cet épisode va donner un mal de tête aux auditeurs.

Jade : Oui, c’est pour ça que quand tu m’as contactée j’ai dit que c’était super mais que ça allait être éprouvant !

Margot : C’est éprouvant, mais au moins, c’est dit quelque part.

Jade : Et en plus à suivre, c’est compliqué. Je vais à l’essentiel mais tout le monde va avoir des questions encore plus précises sur des points encore plus techniques.

Margot : Je t’ai trouvé de nouveaux clients, désolée.

Jade fait son mieux pour vous expliquer la généralité de tout le problème juridique qui se pose autour de la fiscalité, des droits des contrats pour les auteurs, si vous avez des questions, relisez plusieurs fois cet épisode, notez vos questions, et vous inquiétez pas à la Ligue ils sont très gentils et font de leur mieux pour répondre assez rapidement. C’est une petite équipe, donc si vous commencez à être des centaines à leur envoyer un mail ils vont mettre un petit peu plus de temps.

Les autres red flags d’un contrat d’édition

J’avais une question des auditeurs sur les Red Flag d’un contrat mais en fait on en a déjà parlé, à moins que tu aies d’autres Red Flag en tête qu’on n’a pas évoqué tout à l’heure ?

Jade : Vraiment, chaque contrat est différent donc il y en aura à chaque fois mais je trouve que les red flags les plus importants, ça va être plutôt au niveau du comportement de l’éditeur ou de l’éditrice. Comme je disais avant, si pour eux c’est pas possible négocier, bon ça c’est pas terrible. S’ils ne vous expliquent pas les choses, si le contrat est un peu horrible à lire et pas expliqué, c’est pas terrible non plus.

Après, au niveau des clauses il y a les taux vraiment hyper bas, et les clauses de levée d’option. Ça, ça apparaît de plus en plus, c’est pas terrible, on essaye de les faire enlever. C’est une clause pendant laquelle l’auteur va rédiger son œuvre, la transmettre à l’éditeur et ce dernier se garde la possibilité de finalement pas publier : et puisqu’on a versé un avaloir à l’auteur, cet argent justifie le fait qu’il n’exploite pas avec quelqu’un d’autre. Parce que souvent il y a la petite clause qui dit que si vous proposez votre œuvre à une autre maison d’édition, il faut rembourser l’avaloir qu’on vous a donné au début.

C’est pas terrible mais malheureusement, ça se généralise dans certains contrats.

Trois conseils pour un auteur perdu juridiquement parlant

Margot : J’arrive sur ma dernière question : Si tu devais donner trois conseils à un auteur qui va être publié, qui est perdu juridiquement parlant et qui vient d’avoir le méga coup de stress de sa vie en écoutant cet épisode de podcast, qu’est-ce que ce serait ?

Premier conseil : Ne pas s’isoler

Jade : Ne pas rester seul face à son contrat. Que ce soit en se tournant vers un syndicat, vers des associations ou si vous avez un avocat directement ou même des groupes d’auteurs, parlez-en. Essayez de vous faire expliquer le contrat.

Aussi, ça peut être super important parce que souvent on n’a pas conscience des chiffres, les paliers, ce genre de choses, c’est souvent quelque chose qu’on va voir avec la pratique, les bons taux par rapport à ce qui se fait avec d’autres auteurs. Discuter avec d’autres auteurs va permettre de voir ce qui est fait ailleurs et qu’est-ce que vous, vous voulez.

Vraiment, ne vous isolez pas. C’est souvent ce qui arrive malheureusement, parce qu’être auteur est une profession assez solitaire, on va avoir des auteurs qui n’ont pas discuté avec d’autres qui vont potentiellement vite paniquer.

Deuxième conseil : Lire son contrat

Ça paraît tout bête mais j’ai tellement eu le cas d’auteurs qui n’ont pas lu leur contrat parce qu’ils pensaient ne pas comprendre, que ça ne servirait à rien parce qu’ils ne comprendraient pas… En fait si. Bon, pas forcément du premier coup, mais vous allez comprendre.

Bien le lire, l’annoter, demander des explications, faire des recherches, demander aussi plus d’infos à votre maison d’édition pour bien comprendre et savoir ce qui vous attend.

Troisième conseil : N’hésitez pas à négocier

J’ai beaucoup le cas d’auteurs qui débutent et qui se disent “je suis pas en position de négocier, je sais pas faire, j’ai peur, si je négocie ils vont se dire que je suis un auteur à problème donc ils vont pas me reprendre,…” C’est pas vrai. Vraiment vous pouvez négocier.

Après, forcément, vous n’obtiendrez pas tout ce que vous voulez, mais au moins d’essayer ou même si c’est trop impressionnant de négocier dès la première fois, au moins d’être dans la posture de demander plus d’informations à votre maison d’édition, de ne pas être un auteur où on va lui mettre le contrat sous le nez et il va directement signer.

En tant qu’auteur, ça vous mets dans une position où on peut lui donner n’importe quoi à signer et il va le signer. Donc prenez vraiment le temps de le lire, de poser des questions, de réfléchir, et si ça vous convient pas, de le négocier et de ne pas accepter tout et des fois un peu n’importe quoi. Parce que si vous le faites à contrecœur, ça se passera forcément pas très bien par la suite.

Ce sont les trois éléments essentiels au début et ensuite ça viendra avec le temps. On prend confiance, on commence à négocier, on voit que ça se passe bien la première fois, donc après on va encore plus négocier.

Et généralement, on voit à la Ligue, ceux qui sont au conseil syndical, ce sont des auteurs qui négocient et qui en plus de ça sont représentants syndicaux de la profession, et ils trouvent quand même du travail. Donc si eux trouvent du travail, vous inquiétez pas si vous négociez un peu ça se passera bien.

Et si ça se passe mal, c’est que malheureusement vous ne pouvez pas avoir confiance dans la personne qui sera en face de vous. Est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux aller voir ailleurs ou ne pas publier ?

C’est vrai que c’est tentant pour des auteurs qui ont du mal à trouver une maison d’édition d’accepter des conditions qui ne leur plaisent pas trop parce qu’ils veulent absolument être publiés, mais des fois vaut mieux prendre plus son temps, trouver une maison d’édition qui correspond vraiment plutôt que de publier rapidement quelque chose qui ne vous conviendrait pas.

Margot : Surtout que des fois on vend ses droits pour 75 ans après sa mort, donc autant trouver quelqu’un avec qui ça se passe bien.

Jade : C’est ça.

Margot : Merci énormément Jade parce que vraiment je crois que c’est un des épisodes qui contient le plus d’infos en termes d’infos pures et dures.

C’est pour ça peut-être qu’il va être compliqué à absorber pour vous qui lisez cet épisode. Vous allez peut-être devoir y revenir plusieurs fois, faire des pauses, prendre des notes. Faites-le. Prenez ce temps, parce que je pense que même s’il est difficile, cet épisode est très important pour vous.

Encore une fois, si vous avez des questions, si vous êtes perdu, perplexe, si vous avez eu un peu peur à la lecture de cet épisode parce que les maths, la fiscalité, l’administration c’est pas votre truc, ce que je comprends tout à fait, demandez de l’aide.

C’est là où la Ligue je trouve est importante, et d’ailleurs on en parlait tout à l’heure, moi je vais aussi m’inscrire à la Charte, parce que je pense que c’est pas mal d’avoir les deux. Il y en a peut-être d’autres qui sont intéressants mais j’ai vu par exemple que quand on est charté on peut demander une rémunération minimale quand on en déplacement, ce genre de choses.

Il y a plein de choses qui peuvent être intéressantes dans les associations et dans les syndicats donc n’hésitez pas à aller regarder ce qu’ils font.

Merci beaucoup Jade pour toutes les infos.

Jade : Merci à toi. J’espère ne pas avoir donné de migraine généralisée ou des crises de panique. Le plus dur, c’est le premier pas, de mettre le nez dedans, mais ensuite, une fois qu’on s’est habitué, ça va aller.

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